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Journal de Mathis chapitre 2: Amis

L’article qui suit a été rédigé par Florence Charron, élève de secondaire 1.

Voici le chapitre 2 de mon histoire, le journal de Mathis, intitulé amis.

CHAPITRE 2- AMIS

J’ai rencontré Juliette quand j’avais 8 ans. J’étais en troisième année et elle est arrivée en plein milieu de l’année scolaire. Dès que je l’ai vue entrer dans la classe, avec sa longue tignasse blonde et ses yeux bruns perçants, je savais qu’elle et moi, c’était pour la vie. Mais pas dans un sens amoureux. Quoiqu’en quatrième année, on a essayé d’être plus qu’amis durant une récré et ça a juste confirmé que nous deux, c’était un duo inséparable, mais d’amitié. 

Je suis vraiment content de l’avoir. Juliette est une jeune femme affirmée qui est toujours là pour moi et pour ses autres amies. Ses idées ont tout le temps du sens et elle donne les meilleurs conseils. Je suis un de ses seuls amis garçons, je crois. Elle va dans mon ancienne école et je n’habite plus proche de chez elle, mais on a gardé contact par les réseaux sociaux et je peux faire le chemin jusqu’à sa maison en vélo, quand la météo le permet.

Juliette et moi avons plein d’«inside jokes» ensemble. On se comprend avec un regard. On a quasiment un langage secret ensemble! On a aussi fait croire à ses amies et à nos profs qu’on était cousins. Personne n’y a cru, bien évidemment.

 Le seul problème, c’est que, vu que je suis un garçon et qu’elle est une fille, nos parents ne nous laissent pas faire de soirées pyjama. Bien, techniquement, ils ne veulent juste pas qu’on dorme dans la même pièce, et encore moins dans le même lit, car « vous êtes des adolescents en pleine croissance et on comprend que même si vous êtes juste amis, l’un de vous deux pourrait ressentir une envie envers l’autre » et bla bla bla. Je comprends leurs arguments, mais eux aussi, ils devraient être plus matures et comprendre que jamais au grand jamais on expérimentait ça ensemble. Surtout s’ils savaient ce que je vous ai dit plus tôt. Juliette et moi faisons souvent des blagues immatures à ce sujet parce que nous savons tous les deux pertinemment que ça ne va jamais se passer. Je crois même que c’est pour ça que c’est drôle. Sinon, ça ferait juste créer un malaise énorme.

Enfin, bref.

Maintenant, je vais te parler de Dre M. Elle est ma psychologue depuis environ 1 an maintenant et je lui dis tout. Je suis très reconnaissant de l’avoir. Elle donne les meilleurs conseils et elle m’aide beaucoup. Je ne sais pas comment j’aurais pu survivre à cette période (j’y reviendrai plus tard) sans elle. Mes parents ont fait appel à elle en septembre l’an dernier. Ils avaient tout essayé pour moi. C’était leur dernier recours. 

C’est dur de parler de ça, car ça rallume des flammes de sentiments enfouis au plus profond de moi et j’espérais qu’elles soient éteintes à jamais. Ce ne sera probablement pas possible d’effacer ça complètement. C’était d’une douleur inimaginable. J’avais l’impression que j’allais mourir sans même avoir mal. 

Dre M me connait littéralement mieux que tout le monde. Même si elle est un peu plus âgée que moi (je crois qu’elle est dans la vingtaine avancée), elle a une âme très jeune et quand je lui parle de réseaux sociaux, entre autres, elle comprend. On dirait que dès que je suis rentré dans son cabinet l’an dernier, j’ai su qu’elle allait être la bonne piste vers la guérison.

Elle m’a conseillé d’écrire dans ce cahier quand je lui ai parlé de mon orientation sexuelle. Elle m’a dit, et je cite:

«Mathis, tu es un jeune homme qui a beaucoup de potentiel, et crois-moi, je te connais mieux que personne alors je sais de quoi je parle. Est-ce que t’aimerais essayer d’écrire comment tu te sens? Genre, dans un journal intime? Je crois que ça serait bénéfique pour toi. Je sais que tu écris très bien et que tu as beaucoup d’imagination. Alors? Qu’en penses-tu?

Et je lui ai répondu oui. Je n’étais vraiment pas convaincu de son idée au départ, mais maintenant que j’ai commencé à écrire, je réalise que ça fait vraiment du bien! 

Elle m’a tendu à notre session suivante un cahier noir avec un petit rectangle en bas où il était inscrit « nom, prénom ». J’y ai écrit Mathis Sauvé. Puis, durant la soirée, je me suis mis à écrire. Et voilà ce que ça a donné!

Mon équipe de hockey est comme ma deuxième famille. On est une vingtaine de gars et on se suit depuis vraiment longtemps. C’est sûr qu’il y en a que je préfère, soit parce qu’ils ont mon âge, soit parce qu’on se connaît depuis plus longtemps, mais on s’entend tous très bien entre nous. Le coéquipier avec lequel je m’entends le mieux est Nathan. Il a mon âge, on allait au primaire ensemble. On s’est perdu de vue en secondaire 1, puis il est arrivé dans l’équipe pendant la saison de l’hiver dernier et est revenu cette année.

Dans mon équipe de hockey, j’ai la réputation du gars qui fait des blagues poches sur les autres joueurs et leurs blondes/kicks. Je crois qu’ils sont tannés de moi, des fois! Ha! ha! (Par exemple, Nathan a des amies filles et quand elles viennent voir notre match, je lui dis: « Hey Nath, tu t’es payé des cheerleaders! » ;))

Je crois que je fais des blagues et des remarques là-dessus pour me prouver que ce n’est vraiment pas moi, inconsciemment. C’est peut-être que je suis jaloux, car ils ont tous des gens dans leur ligne de mire, ou parce qu’ils savent exactement ce qu’ils veulent, comparativement à moi, ou parce que c’est ma réputation, «le gars qui écœure les autres avec leur vie amoureuse et qui niaise tout le temps», et que je ne veux pas la perdre.

Quand la saison va commencer, je vais parler de ça à Nathan. Je crois. Je veux dire, du fait que je sois gai. À Juju, aussi. Il faut aussi que j’en parle à mes parents un jour. Quand je serai prêt. J’aurais aussi dû en parler à ma sœur. 

Ma grande sœur. Marianne Sauvé, 19 ans. Tu en aurais eu vingt dans quelques mois. Je te disais tout. Tu étais comme ma confidente. Marie, si tu me vois en ce moment, j’aimerais pouvoir te dire à quel point je t’aime et à quel point tu me manques. Si j’avais une demande à faire, ce serait de pouvoir entendre à nouveau le son de ta voix. Toucher tes cheveux soyeux pour une dernière fois. Pouvoir aller au «skate park» avec toi, cuisiner des biscuits en pain d’épices qui vont être vraiment hideux, aller frapper des balles de baseball ou se faire des passes vraiment ratées avec une «puck» de hockey. 

Toutes ces activités me rappellent toi et ta petite face de pet. Tu me manques, Marianne.

Pour vous mettre en contexte, Marianne avait 19 ans et elle avait appris à conduire quelques années auparavant. Elle revenait d’un party tard le soir. Elle n’avait pas beaucoup bu sachant qu’elle allait conduire pour revenir.

Elle conduisait deux de ses amies chez elles. Elles avaient beaucoup bu par contre. Elles étaient assises à l’arrière de la voiture. Il faisait complètement noir dehors, si ce n’était des réverbères dans la rue. 

Un homme lui a foncé dessus avec sa voiture.

Toute la vitre lui a explosé au visage.

»On est désolés, votre fille n’a pas survécu».

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Journal de Mathis chapitre 2: Amis

L’article qui suit a été rédigé par Florence Charron, élève de secondaire 1.

Voici le chapitre 2 de mon histoire, le journal de Mathis, intitulé amis.

CHAPITRE 2- AMIS

J’ai rencontré Juliette quand j’avais 8 ans. J’étais en troisième année et elle est arrivée en plein milieu de l’année scolaire. Dès que je l’ai vue entrer dans la classe, avec sa longue tignasse blonde et ses yeux bruns perçants, je savais qu’elle et moi, c’était pour la vie. Mais pas dans un sens amoureux. Quoiqu’en quatrième année, on a essayé d’être plus qu’amis durant une récré et ça a juste confirmé que nous deux, c’était un duo inséparable, mais d’amitié. 

Je suis vraiment content de l’avoir. Juliette est une jeune femme affirmée qui est toujours là pour moi et pour ses autres amies. Ses idées ont tout le temps du sens et elle donne les meilleurs conseils. Je suis un de ses seuls amis garçons, je crois. Elle va dans mon ancienne école et je n’habite plus proche de chez elle, mais on a gardé contact par les réseaux sociaux et je peux faire le chemin jusqu’à sa maison en vélo, quand la météo le permet.

Juliette et moi avons plein d’«inside jokes» ensemble. On se comprend avec un regard. On a quasiment un langage secret ensemble! On a aussi fait croire à ses amies et à nos profs qu’on était cousins. Personne n’y a cru, bien évidemment.

 Le seul problème, c’est que, vu que je suis un garçon et qu’elle est une fille, nos parents ne nous laissent pas faire de soirées pyjama. Bien, techniquement, ils ne veulent juste pas qu’on dorme dans la même pièce, et encore moins dans le même lit, car « vous êtes des adolescents en pleine croissance et on comprend que même si vous êtes juste amis, l’un de vous deux pourrait ressentir une envie envers l’autre » et bla bla bla. Je comprends leurs arguments, mais eux aussi, ils devraient être plus matures et comprendre que jamais au grand jamais on expérimentait ça ensemble. Surtout s’ils savaient ce que je vous ai dit plus tôt. Juliette et moi faisons souvent des blagues immatures à ce sujet parce que nous savons tous les deux pertinemment que ça ne va jamais se passer. Je crois même que c’est pour ça que c’est drôle. Sinon, ça ferait juste créer un malaise énorme.

Enfin, bref.

Maintenant, je vais te parler de Dre M. Elle est ma psychologue depuis environ 1 an maintenant et je lui dis tout. Je suis très reconnaissant de l’avoir. Elle donne les meilleurs conseils et elle m’aide beaucoup. Je ne sais pas comment j’aurais pu survivre à cette période (j’y reviendrai plus tard) sans elle. Mes parents ont fait appel à elle en septembre l’an dernier. Ils avaient tout essayé pour moi. C’était leur dernier recours. 

C’est dur de parler de ça, car ça rallume des flammes de sentiments enfouis au plus profond de moi et j’espérais qu’elles soient éteintes à jamais. Ce ne sera probablement pas possible d’effacer ça complètement. C’était d’une douleur inimaginable. J’avais l’impression que j’allais mourir sans même avoir mal. 

Dre M me connait littéralement mieux que tout le monde. Même si elle est un peu plus âgée que moi (je crois qu’elle est dans la vingtaine avancée), elle a une âme très jeune et quand je lui parle de réseaux sociaux, entre autres, elle comprend. On dirait que dès que je suis rentré dans son cabinet l’an dernier, j’ai su qu’elle allait être la bonne piste vers la guérison.

Elle m’a conseillé d’écrire dans ce cahier quand je lui ai parlé de mon orientation sexuelle. Elle m’a dit, et je cite:

«Mathis, tu es un jeune homme qui a beaucoup de potentiel, et crois-moi, je te connais mieux que personne alors je sais de quoi je parle. Est-ce que t’aimerais essayer d’écrire comment tu te sens? Genre, dans un journal intime? Je crois que ça serait bénéfique pour toi. Je sais que tu écris très bien et que tu as beaucoup d’imagination. Alors? Qu’en penses-tu?

Et je lui ai répondu oui. Je n’étais vraiment pas convaincu de son idée au départ, mais maintenant que j’ai commencé à écrire, je réalise que ça fait vraiment du bien! 

Elle m’a tendu à notre session suivante un cahier noir avec un petit rectangle en bas où il était inscrit « nom, prénom ». J’y ai écrit Mathis Sauvé. Puis, durant la soirée, je me suis mis à écrire. Et voilà ce que ça a donné!

Mon équipe de hockey est comme ma deuxième famille. On est une vingtaine de gars et on se suit depuis vraiment longtemps. C’est sûr qu’il y en a que je préfère, soit parce qu’ils ont mon âge, soit parce qu’on se connaît depuis plus longtemps, mais on s’entend tous très bien entre nous. Le coéquipier avec lequel je m’entends le mieux est Nathan. Il a mon âge, on allait au primaire ensemble. On s’est perdu de vue en secondaire 1, puis il est arrivé dans l’équipe pendant la saison de l’hiver dernier et est revenu cette année.

Dans mon équipe de hockey, j’ai la réputation du gars qui fait des blagues poches sur les autres joueurs et leurs blondes/kicks. Je crois qu’ils sont tannés de moi, des fois! Ha! ha! (Par exemple, Nathan a des amies filles et quand elles viennent voir notre match, je lui dis: « Hey Nath, tu t’es payé des cheerleaders! » ;))

Je crois que je fais des blagues et des remarques là-dessus pour me prouver que ce n’est vraiment pas moi, inconsciemment. C’est peut-être que je suis jaloux, car ils ont tous des gens dans leur ligne de mire, ou parce qu’ils savent exactement ce qu’ils veulent, comparativement à moi, ou parce que c’est ma réputation, «le gars qui écœure les autres avec leur vie amoureuse et qui niaise tout le temps», et que je ne veux pas la perdre.

Quand la saison va commencer, je vais parler de ça à Nathan. Je crois. Je veux dire, du fait que je sois gai. À Juju, aussi. Il faut aussi que j’en parle à mes parents un jour. Quand je serai prêt. J’aurais aussi dû en parler à ma sœur. 

Ma grande sœur. Marianne Sauvé, 19 ans. Tu en aurais eu vingt dans quelques mois. Je te disais tout. Tu étais comme ma confidente. Marie, si tu me vois en ce moment, j’aimerais pouvoir te dire à quel point je t’aime et à quel point tu me manques. Si j’avais une demande à faire, ce serait de pouvoir entendre à nouveau le son de ta voix. Toucher tes cheveux soyeux pour une dernière fois. Pouvoir aller au «skate park» avec toi, cuisiner des biscuits en pain d’épices qui vont être vraiment hideux, aller frapper des balles de baseball ou se faire des passes vraiment ratées avec une «puck» de hockey. 

Toutes ces activités me rappellent toi et ta petite face de pet. Tu me manques, Marianne.

Pour vous mettre en contexte, Marianne avait 19 ans et elle avait appris à conduire quelques années auparavant. Elle revenait d’un party tard le soir. Elle n’avait pas beaucoup bu sachant qu’elle allait conduire pour revenir.

Elle conduisait deux de ses amies chez elles. Elles avaient beaucoup bu par contre. Elles étaient assises à l’arrière de la voiture. Il faisait complètement noir dehors, si ce n’était des réverbères dans la rue. 

Un homme lui a foncé dessus avec sa voiture.

Toute la vitre lui a explosé au visage.

»On est désolés, votre fille n’a pas survécu».